
Les candidats de l’opposition tentent actuellement de mutualiser leurs efforts afin de parvenir à une candidature non pas unique, mais consensuelle, en vue d’affronter celui du pouvoir le 12 octobre 2025. Et ce, alors même que la liste définitive des candidats — au nombre de douze — a déjà été arrêtée.
Il convient de souligner l’existence d’au moins deux groupes, ou ce qui peut être assimilé à des groupes, qui rivalisent de stratégie dans cette quête de convergence électorale.
D’un côté, l’ancien Premier ministre Bello Bouba Maigari, 78 ans, apparaît en théorie comme le principal adversaire du chef de l’État sortant, Paul Biya, 92 ans, au pouvoir depuis 43 ans sans interruption. Après l’invalidation de la candidature du principal opposant Maurice Kamto, Bello Bouba reçoit régulièrement des personnalités politiques à son domicile de Yaoundé.
Le 13 août 2025, il a notamment reçu Anicet Ekane, leader du Mouvement Africain pour la Nouvelle Indépendance et la Démocratie (Manidem), qui avait soutenu Maurice Kamto, ainsi que le secrétaire général du Parti Camerounais pour la Réconciliation Nationale (PCRN), formation du député Cabral Libii, lui-même candidat à la présidentielle.
Bello Bouba Maigari a également reçu à nouveau l’ancien ministre Issa Tchiroma Bakary, leader du Front pour le Salut National du Cameroun (FSNC), également candidat, après une première rencontre entre les deux hommes consécutive à leurs récentes démissions du gouvernement et à l’annonce de leurs candidatures.
De l’autre côté, on retrouve le groupe dit de la « plateforme » ou « de Foumban », composé d’au moins quatre partis politiques présentant des candidats à la présidentielle — voire davantage, si l’on tient compte du communiqué publié le 14 août 2025 par Patricia Tomaino Ndam Njoya, maire de Foumban et candidate au scrutin.
Dans ce communiqué, celle qui dirige aussi l’Union Démocratique du Cameroun (UDC) affirme que certains membres de ce groupe, initialement réticents en raison de leurs agendas respectifs, ont accepté de travailler ensemble sur un programme commun. L’objectif : initier des réformes institutionnelles consensuelles pour un développement inclusif du Cameroun après une éventuelle victoire le 12 octobre, et organiser la gestion des représentants dans les bureaux de vote.
Cependant, selon plusieurs observateurs de la scène politique nationale, le groupe dit « de Foumban » rassemble davantage des généraux sans troupes, politiquement parlant, à l’exception de la candidate de l’UDC, qui dispose d’une base électorale significative, potentiellement décisive dans un scrutin à un seul tour.
C’est précisément à ce niveau que les acteurs de l’opposition, souvent prompts à proclamer leur volonté d’unité, échouent — consciemment ou non — dans le choix de leur méthode. La politique, à l’instar du monde des affaires, obéit à une logique de poids : celui qui détient le plus d’actions dans une entreprise a davantage de pouvoir décisionnel. De même, un leader ou un parti politique doté d’une assise électorale solide ne saurait discuter d’égal à égal avec un autre qui ne dispose pas du même capital politique.
Dans les grandes démocraties, la constitution des coalitions gouvernementales repose sur un principe simple : le choix du chef de file revient à la formation politique ayant le plus grand nombre d’élus, sans qu’il soit nécessaire d’établir des « critères » pour désigner ce leader.
Les autres membres de la coalition se contentent généralement de négocier la répartition des postes de responsabilité ou d’inscrire leurs idées dans le programme commun de gouvernement.
Au Cameroun, la logique semble inversée : un leader ou un parti politique ne disposant que d’un conseiller municipal prétend pouvoir diriger une coalition composée de formations politiques ayant plusieurs députés et contrôlant de nombreuses communes, alors que tous ont participé aux dernières consultations électorales.
D’un point de vue pragmatique, ceux qui militent sincèrement pour une candidature consensuelle au sein de l’opposition ne devraient avoir aucun mal à désigner un leader naturellement reconnu, y compris par l’opinion publique, avant même le début des tractations — sur la base du poids politique de chaque membre de l’alliance.
Toute posture contraire, à la lumière des erreurs du passé, relève de l’esbroufe, de la jonglerie politicienne, voire d’un attrape-nigaud pour des candidats convaincus de leur propre capacité à l’emporter.
Il revient donc au candidat de l’opposition le mieux placé de fédérer autour de sa personne, plutôt que de s’enliser dans un regroupement encore en quête de son porte-flambeau.
Il ne faut pas perdre de vue que, même dans un scrutin à un seul tour, aucun leader — aussi influent soit-il — n’est propriétaire, en dernier ressort, de la voix d’un électeur.
Et qu’in fine, c’est bien souvent la question du choix du porte-étendard qui a fait échouer plusieurs tentatives de coalition au sein de l’opposition lors des précédentes présidentielles.
Texte ecrit avec l’aide du journaliste politique Eric Boniface TCHOUAKEU
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